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In memoriam
RAYMOND FONVIEILLE (1923-2000)

 

Portrait

Raymond Fonvieille nous a quittés le 3 septembre 2000, en Haute Savoie, à Viuz-en-Sallaz, à l'âge de 77 ans.

Ancien instituteur, ancien compagnon de Célestin Freinet, il avait consacré une grande partie de sa vie à l'écoute des enfants et il était venu renforcer notre action depuis cinq ans au sein du Conseil d'administration.

Son écoute, sa présence discrète et chaleureuse, sa vigilance et son activisme dans l'intérêt général de tous les enfants auquel il ne cessait de penser, ont durablement influencé notre action.


 

Ses articles sur ce site :

Comment « Aujourd'hui, faire rentrer Korczak à l'école », 1999

 

Témoignage

Un ami est parti, qui était aussi un grand ami des enfants…

Dans l'Association française Janusz Korczak qu'il avait rejointe depuis près de cinq ans, nous pouvons témoigner qu'il était toujours resté un praticien de l'éducation et un pédagogue autogestionnaire.

Dans ses derniers ouvrages comme dans tous nos échanges, Raymond incarnait l'allié fidèle, serein et déterminé, toujours souriant, de tous les élèves, à commencer bien sûr par les plus difficiles.

Raymond Fonvieille s'était profondément impliqué dans l'Association en devenant un membre actif de son C. A. (Conseil d'autogestion…).

Comme le professeur René Lourau, président de l'association élu à la même époque et brutalement disparu en janvier dernier, il pressentait qu'en regard de la vie et de l'œuvre du grand éducateur polonais, pourrait se développer utilement une dynamique de développement de la recherche, de mises en perspective, d'interrogations critiques sur les fondements de la pédagogie, de formations remotivantes pour les professionnels.

Il y œuvrait consciencieusement, tant en France qu'au niveau du mouvement Korczak international.

René et Raymond, l'universitaire critique et l'homme de terrain, toujours complices, ne manquaient jamais une de nos réunions.

Ensemble, dans le plus grand respect des objectifs statutaires initiaux (1974, révisés en 1990) mais refusant tout narcissisme, discours de système et autres militantismes, ils se sont employés au quotidien à dégager et à étayer la scène qui permet aujourd'hui de redécouvrir et d'étudier Korczak pour ce qu'il était, dans son contexte, et ce faisant de rendre son approche sans jugement ni recette beaucoup plus compréhensible et utile à tous.

Sur le terrain, infatigable, Raymond était de tous les colloques et de toutes les interventions.

Après une carrière exemplaire en tant qu'instituteur et formateur du mouvement de l'éducation nouvelle, après avoir été un praticien et un théoricien engagé, un acteur incontournable puis un historien de ce mouvement, après tant de combats dans un parcours historique que d'autres ne manqueront pas de rappeler, Raymond Fonvieille semblait heureux d'avoir trouvé dans l'œuvre de Janusz Korczak tout à la fois des racines et des prolongements à son action.

Ses racines, il les trouvait dans l'exemplarité et l'inventivité de dispositifs éducatifs autogestionnaires korczakiens appliqués à la vie quotidienne et à l'autogestion de l'institution elle-même, à peu près à l'époque ou lui-même et Célestin Freinet aidaient leurs élèves à s'approprier le monde dans la limite du cadre scolaire.

Les prolongements, il les voyait dans le développement spectaculaire depuis dix ans de la reconnaissance des droits de l'enfant et leurs corollaires, à savoir les multiples résistances et habiletés des adultes et des professionnels fonctionnarisés de l'enfance pour les contourner à défaut de pouvoir désormais les ignorer.

Comme Janusz Korczak en son temps et comme d'autres après lui, désormais plus nombreux même s'ils ne sont absolument pas mieux entendus, ce n'est pas la violence des enfants et des jeunes qui interpellait notre ami, mais bien de celles des adultes et des institutions censées les soutenir.

Il en avait fait le thème de son dernier livre : Face à la violence : participation et créativité. À rapprocher du titre choisi par Philippe Meirieu, récemment, pour son documentaire télévisuel sur les apports pédagogiques de Korczak « Comment surseoir à la violence », et de celui du nouveau livre de Bernard Defrance et Pascal Vivet : Violences scolaires, que ses auteurs venaient de lui envoyer dédicacé à l'association, deux nouvelles contributions qu'il n'a pu découvrir mais que la complicité dans la démarche aurait enchantée.

Parmi les nombreuses citations qu'il avait affichées dans l'escalier menant à son bureau, dans sa maison familiale de Gennevilliers, l'une d'entre elles illustre ce qui était toujours sa pensée :

« Je voudrais que tous les enfants puissent clamer ceci :
J'ai la vie devant moi
Quand je serai grand, je serai heureux.
Le monde ne me changera pas, c'est moi qui changerai le monde »
.

 

Raymond Fonvieille était toujours un rebelle et un poète acharné à défendre la vie. Il nous impressionnait par sa manière de rester intact, comme sa vocation sans faille et comme l'affectivité pleinement assumée de ses élèves qu'il s'était autorisée à évoquer dans sa dernière chanson…

Raymond avait abandonné cet été, sans regrets, sa « bonne » ville ingrate et rejetante de Gennevilliers, après une dernière apparition publique qu'il avait été heureux de faire, grâce à l'Association Korczak, au colloque de l'Observatoire national des Zones d'éducation prioritaires.

C'est en chanson qu'il en est parti, sur un air de Pierre Perret qu'il aimait tant (avec Georges Brassens).

C'est ainsi en effet qu'il avait choisi de quitter ses amis en leur annonçant sa nouvelle adresse idéalement choisie « sur les coteaux du pays Léman », au milieu de ses montagnes et de sa vallée préférées.

Sans nous laisser le temps d'aller lui rendre visite, il est mort dans son lit… en pleine santé.

Son texte nous montre à quel point, comme Janusz Korczak si merveilleusement représenté dans un dessin au trait par le peintre W. Siudmak, Raymond Fonvieille avait gardé « les enfants plein la tête ».

« Tous ces gamins si charmants qui m'ont appris la modestie et ont été mes enseignants, je garderai toute ma vie le regard clair de leurs yeux vifs. […] Gennevilliers m'a donné le plus précieux de tous mes biens, les jeunes amis que j'ai aidés qui sauront bien me retrouver. »

Bernard Lathuillère, 21 septembre 2000,
par délégation du Conseil d'administration de l'AFJK.

https://korczak.fr | https://roi-mathias.fr © Ass. Frse J. Korczak (AFJK), Paris
(Page créée le : 30-01-2002)