Invitée à une projection du film d’Andrzej Wajda « Korczak », je m’y suis rendue avec une certaine appréhension.
Pendant les années de guerre, jusqu’en octobre 1944, j’ai vécu à Varsovie. J’ai vu l’organisation du Ghetto, d’abord en quartier ouvert, et par la suite enfermé entre les murs. Toutefois, le Ghetto était traversé par l’axe de communication incontournable, que j’empruntais quotidiennement pour me rendre à l’hôpital où je travaillais. J’ai été bouleversée par le réalisme et la véracité des images du film : j’ai revu le tramway, les morts sur les trottoirs, la charrette, les hommes rendus à l’état de squelettes. Et puis, un jour d’avril 43, de la fenêtre de notre appartement, nous avons vu les fumées qui recouvraient les restes du Ghetto. Tout s’est passé ainsi. Le réveil de ces souvenirs si pénibles m’a empêché de participer au débat qui suivait la projection de peur de perdre le contrôle de mes émotions.
Je remercie Andrzej Wajda d’avoir rendu ce témoignage. Il permettra aux jeunes générations, je l’espère, d’être informées et de se souvenir. Je remercie aussi Wojtek Pszoniak d’avoir prêté son personnage avec tant de modestie et de vérité pour évoquer la figure d’un homme qui incarne jusque dans les conditions les plus extrêmes la force de la générosité et jusqu’au bout la supériorité des valeurs d’humanité sur la barbarie.
Je compte Korczak parmi tous ces grands hommes d’hier et d’aujourd’hui, célèbres ou inconnus, qui me permettent de ne pas désespérer de l’Humanité.
Maria Rzewuska, 21 mars 2000