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AFJK (Ass. Frse Janusz Korczak) - 2009

Observations faites à la France par le
Comité des droits de l'enfant (suite et fin)

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4. Milieu familial et protection de remplacement
(art. 5, 18 (par. 1 et 2), 9 à 11, 19 à 21, 25, 27 (par. 4)
et 39 de la Convention)

Milieu familial

59. Le Comité note avec préoccupation que de nombreuses familles ne sont pas aidées comme elles le devraient dans l’exercice de leurs responsabilités parentales, notamment les familles qui vivent une situation de crise en raison de la pauvreté, de l’absence de logement adéquat ou d’une séparation.

60. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour offrir une assistance appropriée aux parents et aux tuteurs dans l’exercice de leurs responsabilités parentales, en particulier aux familles qui vivent une situation de crise en raison de la pauvreté, de l’absence de logement adéquat ou d’une séparation.

Enfants privés de milieu familial

61. Le Comité est préoccupé par le nombre de mesures, y compris de mesures de séparation, décidées par le pouvoir judiciaire. Il est également préoccupé par le manque de contacts entre l’enfant et sa famille, par le peu de possibilités offertes à l’enfant pour voir sa famille, par la distance géographique entre le logement familial et l’institution accueillant l’enfant, ainsi que par le fait que les vues de l’enfant et son intérêt supérieur ne sont pas suffisamment pris en compte dans les décisions de placement.

62. Le Comité recommande à l’État partie :

  1. D’éviter que des enfants fassent l’objet d’une mesure de protection de remplacement en raison de la faiblesse des revenus de leurs parents ;

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  1. De prendre pleinement en compte les opinions des enfants, et de mettre à leur disposition des mécanismes de plainte qui leur soient accessibles dans toutes les régions du pays ;
  2. De faciliter l’instauration de procédures de contact pour tous les enfants séparés de leurs parents et de leurs frères et sœurs, y compris pour ceux qui sont placés en établissement pour une longue durée ;
  3. De veiller à ce que les enfants sans protection parentale aient un représentant qui défend activement leur intérêt supérieur ;
  4. De prendre en compte les recommandations formulées par le Comité suite à la journée de débat général sur les enfants privés de protection parentale tenue le 16 septembre 2005.

Adoption

63. Le Comité prend note de la réforme législative dans le domaine de l’adoption, ainsi que de la création, le 30 janvier 2009, du Comité interministériel pour l’adoption. Toutefois, il constate une nouvelle fois avec préoccupation que la majorité (les deux tiers) des adoptions internationales concerne des enfants venant de pays qui n’ont pas ratifié la Convention de La Haye de 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale et qu’un pourcentage élevé des adoptions internationales se fait à titre individuel et non par l’intermédiaire d’organismes agréés. Le Comité note également avec préoccupation que les adoptions internationales sont facilitées par les ambassades et les consulats, y compris par des bénévoles qui travaillent avec eux, ce qui pourrait nuire au travail des organismes accrédités. Il reste en outre préoccupé par le fait que, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, l’adoption nationale des enfants de moins de 2 ans ne fasse pas l’objet d’une autorisation des autorités compétentes.

64. Renouvelant sa précédente recommandation et compte tenu de l’article 21 et d’autres dispositions connexes de la Convention, le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que :

  1. Les adoptions internationales soient traitées par un organisme accrédité dans le plein respect des principes et dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant et de la Convention de La Haye de 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale ;
  2. Des accords bilatéraux reprenant les normes de la Convention relative aux droits de l’enfant et de la Convention de La Haye de 1993 soient conclus avec les pays qui n’ont pas ratifié la Convention de La Haye ;
  3. L’autorisation des autorités compétentes devienne obligatoire pour l’adoption nationale en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

65. Le Comité est également préoccupé par le nouveau projet de loi sur l’adoption, qui vise à permettre l’adoption nationale des enfants en situation de délaissement, une fois que les services sociaux ont obtenu une déclaration d’abandon. Le Comité est particulièrement préoccupé par le

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fait que ce projet de loi, une fois promulgué, pourrait avoir pour conséquence de séparer définitivement ces enfants de leur famille, en particulier les enfants issus de familles à faible revenu ou vivant dans la pauvreté.

66. Le Comité recommande que le projet de loi sur l’adoption tienne pleinement compte du droit de l’enfant de ne pas être séparé de sa famille (art. 9), ainsi que des quatre principes généraux de la Convention (art. 2, 3, 6 et 12). Il devrait en outre être pleinement conforme aux dispositions de l’article 21 de la Convention.

Maltraitance et négligence

67. Tout en se félicitant du progrès que représentent la création de l’Observatoire national de l’enfance en danger (ONED), et l’adoption de la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, le Comité prend note avec préoccupation de l’augmentation du nombre de cas de maltraitance et de négligence, du nombre élevé de disparitions d’enfants et du manque d’application de la loi réformant la protection de l’enfance. Le Comité est en outre préoccupé par le manque d’accès à la justice des enfants victimes de maltraitance ou de négligence.

68. Le Comité recommande à l’État partie :

  1. D’allouer les ressources budgétaires nécessaires à la mise en œuvre de la loi sur la protection de l’enfance et, en particulier, de veiller à ce que les mesures soient coordonnées au niveau national, y compris dans les départements et territoires d’outre-mer ;
  2. De mettre en place des mécanismes pour évaluer le nombre de cas de violence, de violences sexuelles, de négligence, de maltraitance ou d’exploitation et l’ampleur de ces phénomènes visés à l’article 19, y compris au sein de la famille et dans les institutions et autres structures de placement ;
  3. D’améliorer l’accès à la justice pour les enfants victimes de violence et de négligence ;
  4. De veiller à ce que les professionnels qui travaillent avec les enfants (y compris les enseignants, les travailleurs sociaux, les professionnels de la santé et les membres de la police et de la justice) reçoivent une formation sur leur obligation de signaler tout cas présumé de violence familiale à l’encontre d’un enfant, de maltraitance ou de négligence et de prendre les mesures appropriées, y compris des mesures de protection ;
  5. D’utiliser les médias pour lancer des campagnes de sensibilisation sur la nouvelle loi sur la protection de l’enfance et, en général, de créer un climat de rejet de toutes les formes de violence contre les enfants et les femmes, en particulier les filles et les enfants issus de groupes vulnérables.

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5. Santé et bien-être
(art. 6, 18 (par. 3), 23, 24, 26, 27 (par. 1 à 3) de la Convention)

Enfants handicapés

69. Le Comité se félicite de l’adoption de la loi no 2005-102 du 11 février 2005, qui consacre le droit à l’éducation et à la scolarisation dans des conditions d’égalité pour les enfants handicapés, conformément à l’article 23 de la Convention. Il est toutefois préoccupé par le nombre élevé d’enfants handicapés qui, dans la pratique, ne vont à l’école que quelques heures par semaine. Le Comité salue la création de postes supplémentaires d’auxiliaires de vie, mais se déclare préoccupé par l’instabilité des arrangements contractuels et par l’insuffisance des possibilités de formation. Le Comité prend note en outre de certaines déficiences en ce qui concerne les soins spécialisés, en particulier pour les enfants souffrant de handicaps multiples, ainsi que l’accès aux loisirs et aux activités culturelles, et relève le manque de structures à Mayotte, Wallis et Futuna, qui entrave la mise en œuvre de la loi susmentionnée.

70. Compte tenu de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et de l’Observation générale no 9 (2006) sur les droits des enfants handicapés, le Comité recommande à l’État partie :

  1. De prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que la législation prévoyant l’accès à l’éducation ainsi que des programmes et une aide spécialisée pour les enfants handicapés soit effectivement mise en œuvre et de garantir le plein exercice de leurs droits en vertu de la Convention sur l’ensemble du territoire de l’État partie, y compris dans les départements et territoires d’outre-mer ;
  2. De mettre en place des programmes de détection et d’intervention précoces ;
  3. D’assurer la formation et la stabilité des professionnels travaillant auprès des enfants handicapés, tels que le personnel médical et paramédical et le personnel connexe, les enseignants et les travailleurs sociaux ;
  4. D’élaborer une stratégie nationale globale tenant compte des différences entre les sexes pour l’intégration des enfants handicapés dans la société ;
  5. De mener des campagnes de sensibilisation sur les droits et les besoins spéciaux des enfants handicapés, de manière à faciliter l’intégration de ces enfants dans la société et à prévenir la discrimination et le placement en institution.

Santé et services de santé

71. Le Comité prend note des efforts faits par l’État partie pour lutter contre les inégalités dans l’accès aux services de santé en renforçant, au niveau des départements, les services de santé destinés aux mères et aux enfants et en instaurant une visite médicale obligatoire pour les enfants de 6, 9, 12 et 15 ans. Toutefois, il est préoccupé par les inégalités persistantes qui touchent les différentes régions et les enfants issus de milieux défavorisés. Il est également préoccupé par la pénurie de personnel médical qualifié et par l’insuffisance des ressources allouées, en particulier pour la réalisation des visites médicales obligatoires.

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72. Le Comité est également préoccupé par les déficiences enregistrées en Guyane française en ce qui concerne le traitement des problèmes de santé graves comme la malnutrition, la tuberculose et le VIH/sida et par le fait que les enfants de Mayotte qui ne sont pas affiliés à la sécurité sociale n’ont pas accès aux soins de santé.

73.Le Comité recommande à l’État partie de s’attaquer aux inégalités dans l’accès aux services de santé en adoptant une approche coordonnée dans tous les départements et régions et de remédier à la pénurie de personnel médical. Il demande en outre instamment à l’État partie de mettre fin aux déficiences du système de soins de santé pour enfants dans les départements et territoires d’outre-mer.

Allaitement

74. Le Comité prend acte des progrès réalisés ces dernières années dans la promotion et le soutien de l’allaitement maternel, mais note avec préoccupation que l’application du Code international de commercialisation des substituts du lait maternel reste insuffisante et que les substituts du lait maternel continuent de faire l’objet d’une promotion soutenue.

75. Le Comité recommande à l’État partie de mettre pleinement en œuvre le Code international de commercialisation des substituts du lait maternel. L’État partie devrait également continuer de promouvoir les hôpitaux amis des bébés et d’encourager l’introduction de cours sur l’allaitement maternel dans la formation des puéricultrices.

Santé des adolescents

76. Malgré les efforts déployés par l’État partie pour mettre au point des programmes et des services de santé mentale pour adolescents, tels que des centres pour adolescents, le Comité est préoccupé par le faible niveau de bien-être des adolescents, qui se caractérise par des problèmes tels que des troubles de l’alimentation, des addictions, l’exposition à des risques de maladie sexuellement transmissible (MST), des suicides et des tentatives de suicide. Le Comité est également préoccupé par la toxicomanie chez les adolescents dans l’État partie, notamment dans les départements et territoires d’outre-mer.

77. Le Comité recommande à l’État partie de continuer à s’attaquer aux problèmes de santé mentale et à la toxicomanie chez les adolescents sur l’ensemble du territoire, notamment :

  1. En renforçant les services de conseil et de santé mentale, en veillant à ce qu’ils soient accessibles et adaptés aux adolescents dans toutes les régions, y compris les départements et territoires d’outre-mer ;
  2. En étudiant les causes profondes de ces problèmes en vue d’adopter des mesures de prévention ciblées ;
  3. En fournissant aux enfants des informations exactes et objectives sur les substances toxiques et en apportant un soutien à ceux qui essayent d’arrêter d’en consommer ou de sortir de la dépendance.

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Niveau de vie

78. Le Comité note avec satisfaction que le Gouvernement s’est engagé à mettre fin à la pauvreté des enfants d’ici à 2020 et a alloué des ressources supplémentaires à la Caisse nationale des allocations familiales. Toutefois, il reste préoccupé par le nombre élevé d’enfants vivant dans la pauvreté et par le fait que le taux de pauvreté soit sensiblement plus élevé chez les enfants issus de l’immigration. Le Comité rappelle en outre les observations formulées par l’Experte indépendante sur les questions relatives aux minorités, au cours de sa visite dans les banlieues de grandes villes du pays, sur la nette concentration de la pauvreté dans ces quartiers en raison de la discrimination et l’exclusion (A/HRC/7/23/Add.2, par. 42). Il salue les efforts déployés par l’État partie pour s’attaquer au phénomène des logements insalubres, mais se déclare préoccupé par le retard pris dans l’application du nouveau droit opposable au logement, ainsi que par l’insuffisance des crédits budgétaires alloués à sa mise en œuvre.

79. Conformément à l’article 27 de la Convention, le Comité recommande à l’État partie :

  1. D’adopter et d’appliquer comme il se doit la législation visant à atteindre l’objectif consistant à mettre fin à la pauvreté des enfants d’ici à 2020, y compris en établissant des indicateurs mesurables pour évaluer la réalisation de cet objectif ;
  2. De donner la priorité, dans la législation et dans les mesures de suivi, aux enfants et aux familles qui ont le plus besoin de soutien, notamment aux enfants issus de l’immigration ;
  3. De veiller à la mise en œuvre rapide du droit opposable au logement, y compris en allouant des ressources budgétaires suffisantes.

6. Éducation, loisirs et activités culturelles
(art. 28, 29 et 31 de la Convention)

Éducation, y compris la formation et l’orientation professionnelle

80. Le Comité prend note avec satisfaction des nombreux efforts faits par l’État partie dans le domaine de l’éducation pour atteindre les objectifs énoncés dans la Convention. Le Comité est néanmoins préoccupé par :

  1. Le nombre élevé d’abandons scolaires, le taux de redoublement, ainsi que la nouvelle loi du 31 mars 2006 permettant de sanctionner les parents, y compris ceux qui sont confrontés à des difficultés économiques, en cas d’absentéisme de leur enfant ;
  2. Les inégalités importantes et persistantes dont souffrent, en matière de réussite scolaire, les enfants dont les parents connaissent des difficultés économiques. Plusieurs groupes d’enfants ont du mal à être scolarisés, à poursuivre ou à reprendre leurs études, dans des écoles ordinaires ou d’autres établissements d’enseignement, et ne peuvent pas jouir pleinement de leur droit à l’éducation, notamment les enfants handicapés, les enfants des gens du voyage, les enfants roms, les enfants demandeurs d’asile, les enfants qui ont abandonné l’école ou sont souvent absents pour différentes raisons (maladie, obligations familiales, etc.) et les mères adolescentes ;

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  1. L’augmentation du chômage des jeunes, due à l’insuffisance de leur bagage éducatif et de leur formation professionnelle, qui fait obstacle à leur entrée sur le marché du travail.

81. Le Comité recommande à l’État partie :

  1. De poursuivre et d’accroître ses efforts pour réduire les effets de l’origine sociale des enfants sur leurs résultats scolaires ;
  2. De redoubler d’efforts pour faire baisser les taux de redoublement et d’abandon sans pénaliser les parents ;
  3. De développer la formation et l’enseignement professionnels pour les enfants qui ont quitté l’école sans diplôme, en leur permettant d’acquérir des savoirs et des compétences afin d’accroître leurs possibilités d’emploi ;
  4. De consentir des investissements supplémentaires considérables pour garantir le droit de tous les enfants à une éducation véritablement intégratrice qui permette aux enfants issus de tous les groupes défavorisés, marginalisés ou éloignés des écoles d’exercer pleinement ce droit ;
  5. De ne recourir à la mesure disciplinaire que constitue l’exclusion permanente ou temporaire qu’en dernier ressort, de réduire le nombre d’exclusions et de faire appel, en milieu scolaire, à des travailleurs sociaux et à des psychologues scolaires pour aider les enfants en conflit avec l’école.

Repos, loisirs et activités récréatives, culturelles et artistiques

82. Le Comité observe que, d’après les informations dont il dispose, seul un petit nombre d’enfants participeraient à des activités culturelles ou artistiques extrascolaires. Le Comité est également préoccupé par le fait que la diminution régulière du nombre d’aires de jeux pourrait avoir pour effet d’inciter les enfants à se réunir dans des lieux publics, notamment dans les halls d’immeubles, ce qui est passible de sanctions en vertu de la loi sur la sécurité intérieure du 18 mars 2003.

83. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour garantir le droit de l’enfant au repos et aux loisirs et son droit de se livrer au jeu et à des activités récréatives propres à son âge et de participer librement à la vie culturelle et artistique. L’État partie devrait s’attacher tout particulièrement à mettre à la disposition des enfants, y compris des enfants handicapés, des espaces de jeu adéquats et accessibles pour qu’ils puissent exercer leur droit aux activités de jeu et de loisirs.

7. Mesures de protection spéciales
(art. 22, 30, 32 à 36, 37 b) à d) et 38 à 40 de la Convention)

Enfants demandeurs d’asile, réfugiés et non accompagnés

84. Le Comité salue la création du groupe de travail sur les enfants non accompagnés mais est profondément préoccupé par la situation des enfants non accompagnés placés dans les zones d’attente des aéroports français. En outre, il est préoccupé par le fait que la décision de

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placement ne peut être contestée, que l’obligation légale de désignation d’un administrateur ad hoc n’est pas systématiquement appliquée et que ces enfants, particulièrement vulnérables à l’exploitation, ne bénéficient pas d’un soutien psychologique. Le Comité note également avec préoccupation que les enfants sont souvent renvoyés vers des pays où ils risquent d’être exploités, sans que leur situation ait été véritablement évaluée.

85. Le Comité note également avec préoccupation que les mineurs non accompagnés ne bénéficient pas systématiquement de services sociaux et éducatifs et de cours de langue, et que les enfants non accompagnés admis sur le territoire de l’État partie n’ont pas de statut juridique clairement défini.

86. Compte tenu de l’Observation générale no 6 (2005) du Comité concernant le traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d’origine, le Comité engage instamment l’État partie à :

  1. Prendre toutes les mesures nécessaires pour que la décision de placement en zone d’attente puisse être contestée ;
  2. Nommer systématiquement un administrateur ad hoc comme le prévoit la législation de l’État partie ;
  3. Mettre à la disposition des enfants non accompagnés et des enfants placés en zone d’attente des moyens d’assistance psychologique adaptés et les protéger de l’exploitation, en particulier en contrôlant strictement l’accès à ces zones ;
  4. Veiller, en tenant dûment compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, à ce que les enfants qui ont besoin d’une protection internationale et risquent d’être à nouveau victimes de la traite, ne soient pas renvoyés dans un pays où ils courent un tel danger.

87. Le Comité note également avec préoccupation que, malgré l’avis négatif du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, l’État partie continue de recourir à l’examen osseux pour déterminer l’âge des enfants.

88. Le Comité renouvelle sa recommandation précédente et demande instamment à l’État partie d’introduire des méthodes récentes de détermination de l’âge qui se sont avérées plus précises que les examens osseux actuellement utilisés.

89. Le Comité note que l’État partie reconnaît que la longueur des procédures de regroupement familial pour les personnes auxquelles a été accordé le statut de réfugié pose problème, mais se dit une nouvelle fois préoccupé par le manque d’informations sur ces procédures, par leur durée, ainsi que par les possibilités limitées qui s’offrent aux enfants pour faire valoir leur droit au regroupement familial lorsqu’ils arrivent en France. Il se déclare en outre préoccupé par les informations selon lesquelles, dans certains cas, les membres d’une même famille seraient séparés en raison de l’expulsion des parents, et par la loi no 2007-1631 du 21 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, qui impose aux réfugiés des critères plus restrictifs pour le regroupement familial, y compris des tests ADN et l’obligation de maîtriser la langue.

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90. Le Comité est également préoccupé par le fait que l’institution de la kafalah, reconnue par le droit international et par la Convention, n’est pas appliquée dans l’État partie dans le contexte du regroupement familial, et par l’absence d’application de la jurisprudence du 24 mars 2004 du Conseil d’État, qui a considéré que la décision prise par les autorités locales françaises d’empêcher un enfant d’entrer en France pour rejoindre les parents qui l’avaient recueilli dans le cadre de la kafalah constituait une atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale.

91. Le Comité recommande à l’État partie :

  1. De poursuivre ses efforts pour réduire de façon significative la durée des procédures de regroupement familial pour les réfugiés reconnus comme tels ;
  2. D’adopter toutes les mesures appropriées pour veiller à ce que le recours aux tests ADN comme moyen d’établir la filiation ne crée pas d’obstacles supplémentaires au regroupement familial, et à ce que l’utilisation de cette méthode soit toujours soumise au consentement préalable du requérant, donné en connaissance de cause.
  3. De reconnaître le système de la kafalah dans le contexte du regroupement familial et de donner effet à la jurisprudence du Conseil d’État du 24 mars 2004.

Exploitation sexuelle, vente, traite et enlèvement

92. Le Comité prend note de la conclusion d’accords de coopération avec certains des pays d’origine des enfants victimes de la traite aux fins de l’exploitation sexuelle ou d’autres formes d’exploitation. Toutefois, le Comité est préoccupé par le nombre élevé d’enfants victimes d’exploitation, y compris de traite, qui entrent en France ou transitent par la France pour se livrer au vol, à la mendicité ou à la prostitution.

93. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter de nouvelles mesures pour lutter contre la traite des enfants à des fins d’exploitation sexuelle et d’autres formes d’exploitation. Il recommande en outre à l’État partie de redoubler d’efforts pour recueillir des données sur l’ampleur de l’exploitation sexuelle et de la vente d’enfants, afin de déterminer les mesures appropriées à prendre pour lutter contre ces problèmes, y compris dans les départements et territoires d’outre-mer.

Administration de la justice pour mineurs

94. Le Comité est préoccupé par l’absence de politique nationale globale de prévention de la délinquance et par l’insuffisance des ressources financières et humaines affectées à la justice pour mineurs. Le Comité se dit une nouvelle fois préoccupé par la législation et la pratique dans ce domaine, qui tendent à favoriser les mesures répressives plutôt que les mesures éducatives, en particulier en ce qui concerne les réformes introduites par la loi no 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs et permettant de juger des enfants comme des adultes. En particulier, le Comité est préoccupé par le fait que, dans les affaires impliquant des mineurs délinquants âgés de 16 à 18 ans, soupçonnés d’avoir commis une infraction pénale grave à caractère violent et/ou sexuel :

  1. Le principe de l’atténuation des peines pour les mineurs peut ne pas être appliqué pour une première infraction, sur décision motivée du juge ;

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  1. Ce principe n’est pas appliqué aux récidivistes âgés de 16 à 18 ans et ne peut être rétabli que par une décision spécialement motivée du juge ;
  2. Des peines d’emprisonnement minimales obligatoires sont appliquées en cas de récidive.

95. Le Comité constate des changements positifs, notamment en ce qui concerne l’augmentation sensible du nombre de centres éducatifs fermés pour les enfants âgés de 13 à 16 ans et d’établissements pénitentiaires pour mineurs, qui ont pour but de remplacer les quartiers des mineurs dans les lieux de détention pour adultes. Toutefois, il constate avec préoccupation que le nombre de peines privatives de liberté est élevé chez les enfants et qu’il existe toujours des quartiers des mineurs dans les lieux de détention pour adultes.

96. Le Comité est préoccupé par la modification de la loi no 2004-204 du 9 mars 2004, qui permet de placer en garde à vue des enfants âgés de 16 à 18 ans qui sont soupçonnés de crime organisé et de terrorisme pour une durée maximale de quatre-vingt-seize heures, ce qui n’est pas pleinement conforme aux garanties procédurales.

97. Le Comité engage instamment l’État partie à appliquer pleinement les normes internationales concernant la justice pour mineurs, en particulier les articles 37 b), 40 et 39 de la Convention, ainsi que l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad) et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté (Règles de La Havane). Il l’engage en particulier, compte tenu de son Observation générale no 10 (2007) sur les droits de l’enfant dans le système de justice pour mineurs, à :

  1. Renforcer les mesures de prévention, notamment en appuyant le rôle des familles et des communautés afin de contribuer à l’élimination des facteurs sociaux qui amènent les enfants à entrer en contact avec le système de justice pénale, et prendre toutes les mesures possibles pour éviter la stigmatisation ;
  2. Accroître les ressources financières, humaines et autres qui sont allouées au système de justice pénale et veiller à ce qu’elles soient suffisantes et adaptées ;
  3. Ne recourir à la détention, y compris la garde à vue et la détention provisoire, qu’en dernier ressort et pour la durée la plus courte possible ;
  4. Veiller à ce que le placement en détention, lorsqu’il a lieu, soit conforme à la loi et aux normes internationales ;
  5. Ne pas traiter les enfants âgés de 16 à 18 ans différemment des enfants de moins de 16 ans ;
  6. Développer l’utilisation des mesures de réinsertion et des peines de substitution à la privation de liberté, telles que la déjudiciarisation, la médiation, la mise à l’épreuve, l’accompagnement psychologique, les services d’intérêt général, et renforcer le rôle des familles et des communautés à cet égard ;

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  1. Veiller à ce que les personnes de moins de 18 ans en conflit avec la loi aient accès à l’aide juridique gratuite ainsi qu’à des mécanismes de plainte indépendants et efficaces ;
  2. Améliorer les programmes de formation aux normes internationales pertinentes pour tous les professionnels travaillant dans le cadre du système de justice pénale.

98. Le Comité reste également préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas établi d’âge minimum de la responsabilité pénale.

99. Le Comité recommande à l’État partie d’établir un âge minimum de la responsabilité pénale, conformément au paragraphe 3 a) de l’article 40 de la Convention et compte tenu de la recommandation faite, entre autres, par la Défenseure des enfants, en veillant à ce que cet âge ne soit pas inférieur à 13 ans et à ce qu’il soit tenu compte de la capacité de discernement de l’enfant.

Protection des témoins et des victimes de crimes

100. Le Comité recommande également à l’État partie de garantir, grâce à des dispositions légales et réglementaires, que tous les enfants victimes et/ou témoins de crimes, par exemple les enfants victimes de sévices, de violence familiale, d’exploitation économique ou sexuelle, d’enlèvement ou de traite et les témoins de tels crimes, bénéficient de la protection prévue par la Convention, et de prendre pleinement en compte les Lignes directrices de l’Organisation des Nations Unies en matière de justice dans les affaires impliquant les enfants victimes et témoins d’actes criminels (figurant en annexe à la résolution 2005/20 du Conseil économique et social en date du 22 juillet 2005).

Enfants appartenant à des minorités ou à des groupes autochtones

101. Le Comité prend note avec satisfaction des mesures adoptées par l’État partie pour promouvoir la diversité culturelle, religieuse et linguistique, évoquées à l’annexe II du rapport périodique. Le Comité prend également note de la position de l’État partie à l’égard de sa réserve à l’article 30 de la Convention et se dit une nouvelle fois préoccupé par le fait que l’égalité devant la loi peut ne pas être suffisante pour garantir que les groupes minoritaires et les peuples autochtones des départements et territoires d’outre-mer, exposés à une discrimination de fait, jouissent de leurs droits sur un pied d’égalité. Il se déclare en outre préoccupé par l’absence de validation des connaissances culturelles transmises aux enfants appartenant à des groupes minoritaires, en particulier les Roms et les gens du voyage, et par la discrimination dont ils sont victimes, notamment en ce qui concerne les droits économiques, sociaux et culturels, y compris le droit à un logement convenable, à un niveau de vie suffisant, à l’éducation et à la santé.

102. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les groupes minoritaires et les peuples autochtones des départements et territoires d’outre-mer bénéficient de l’égalité de jouissance des droits et à ce que les enfants aient la possibilité de valider leurs connaissances culturelles, sans discrimination. Il demande en outre instamment à l’État partie de prendre des mesures pour éliminer toute discrimination à l’encontre des enfants appartenant à des groupes minoritaires, en particulier en ce qui concerne leurs droits économiques et sociaux.

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8. Ratification des instruments internationaux
relatifs aux droits de l’homme

103. Le Comité se félicite de la ratification de la Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le 23 septembre 2008, et du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, le 11 novembre 2008.

104. Le Comité recommande à l’État partie de ratifier la Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif, ainsi que la Convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Il recommande en outre à l’État partie de ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

9. Suivi et diffusion

Suivi

105. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures appropriées pour assurer la pleine application des présentes recommandations, notamment en les transmettant au Parlement et aux ministères concernés ainsi qu’aux administrations décentralisées pour examen et suite à donner.

Diffusion

106. Le Comité recommande en outre que les troisième et quatrième rapports périodiques et les réponses écrites de l’État partie, ainsi que les recommandations adoptées par le Comité (observations finales), soient diffusés largement dans les langues appropriées, notamment au moyen de l’Internet (mais pas uniquement), auprès du grand public, des organisations de la société civile, des mouvements de jeunesse et des enfants, afin de mieux faire connaître la Convention, sa mise en œuvre et son suivi et de favoriser le débat sur ces questions.

10. Prochain rapport

107. Le Comité invite l’État partie à soumettre son cinquième rapport périodique avant septembre 2012. Ce rapport ne devrait pas dépasser 120 pages (voir CRC/C/118).

108. Le Comité invite également l’État partie à présenter un document de base mis à jour, conformément aux prescriptions applicables au document de base commun figurant dans les directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument, qui ont été approuvées à la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, en juin 2006 (HRI/MC/2006/3).

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Annexes et liens utiles

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https://korczak.fr © Ass. Frse J. Korczak (AFJK), Paris
(Mis en ligne le 10 octobre 2009 - Révisé le 14/10/2009)