2003 - 125e anniversaire de la naissance de Janusz Korczak
Le colloque Korczak de Günzburg (RFA)
du 7 au 9 novembre 2003
Compte rendu initial, AFJK-B.L., 11 novembre 2003
— Galerie de photos (prochainement)
Compte rendu en anglais.

 

 

Compte rendu de voyage

Le colloque Korczak intitulé « Fröliche Pädagogik » organisé par l’Association Korczak allemande du 7 au 9 novembre à Günzburg en Allemagne (Bavière), a rencontré un grand succès. Ce titre recouvrait la mise en perspective des œuvres pédagogiques de Janusz Korczak, Maria Ward et Don Bosco.[1] Huit pays étaient représentés.[2] Le public était composé d'une soixantaine d'enseignants et de formateurs venus de toute l’Allemagne, en plus des élèves et des professeurs du Lycée Maria Ward[3] qui en ont assuré à la perfection l’accueil, le bon déroulement et toute la logistique.

Tout au long de ces trois journées, les enfants et les jeunes filles du lycée ont présenté et scandé chaque moment avec leur propre sélection de citations et d'extraits des ouvrages des trois grands éducateurs. En plus du décor et de la préparation des salles, les élèves avaient réalisé eux-mêmes la brochure du colloque sous la forme d'un livret de trente pages de grande qualité, tant pour la forme que pour le contenu.[4] Outre les trois noms déjà cités, on retrouve au sommaire ceux d'Itzchak Belfer, l’artiste en vedette de la réunion, et, fait rarissime, Stefania Wilczynska, la fidèle éducatrice codirectrice du premier orphelinat de Korczak, le plus souvent oubliée. Elle ne risquait pas de l’être ici, dans ce temple historique de la promotion de la Femme que sont les institutions Maria Ward.

Le thème du colloque était du plus grand intérêt pour notre association française, toujours mobilisée à la fois sur la recherche théorique et sur le développement d'applications korczakiennes de terrain directement utiles aux enfants. Son programme nous a permis d'entendre pour la première fois les rapports de trois directeurs d'établissements korczakiens[5] allemands : une maternelle, une école primaire et un centre de formation professionnel. Chacun de ces établissements avait choisi de prendre le nom de Korczak à partir d'une démarche pédagogique collective et avait dû se battre pour l’obtenir, parfois pendant des années. Leur action et leur bilan témoignent de l’implication et de l’adhésion de leurs équipes aux idées et à la démarche éducative du Vieux Docteur de Varsovie, et valident, si besoin en est, l’actualité et la pertinence de celles-ci face aux difficultés de notre monde moderne. [Nous vous donnerons ici les liens et les contacts utiles].

De façon inattendue, mais tout aussi heureuse, nous avons pu aussi entendre et rencontrer les auteurs et les acteurs de deux productions culturelles de premier plan :

« Le petit roi Macius », la série TV dédiée au Roi Mathias 1er que nous présentons sur ce site depuis son lancement fin 2002 dans sa version française (mémo). La série a rencontré un tel succès en Allemagne qu'elle bénéficie d'une rediffusion sur la même chaîne KinderKanal (K.I.K.A) et qu'un superbe site Internet lui a été dédié. Les présents ont salué le lien avec Janusz Korczak qui y est fait, ce qui n'est malheureusement pas le cas des produits dérivés et autres reprises de la série (cassettes audios et vidéos). La KIKA, à la différence de bien d'autres chaînes TV, revendique une vocation pédagogique et s'enorgueillit de sélectionner rigoureusement les programmes destinés aux enfants. Dont acte, avec nos félicitations !

La pièce de théâtre « Korczaks Koffer » (Les valises de Korczak) de Siegfried Steiger et de son Théâtre expérimental « Experimentelles Theater Günzburg[6]». Cette pièce est la troisième d'une trilogie dédiée à Janusz Korczak entreprise en 1991. Rencontrant un succès mérité, « Les valises de Korczak » ont déjà été jouées une cinquantaine de fois en Allemagne et présentée en Autriche et au Canada. Son thème est celui de l’héritage et de la transmission de la pensée innovante du grand homme en matière d'éducation et de réflexion sur le statut de l’enfant. Partant de l’histoire, toujours nécessairement rappelée, de sa déportation avec les enfants, l’imaginaire s'envole à partir de la découverte, dans une gare, de la valise du vieux médecin. Que peut-elle contenir ? À la manière des poupées russes et polonaises, cette valise peut en contenir de nombreuses autres et chaque valise peut interpeller, révéler, poser des questions qui sont autant de citations des travaux du Vieux Docteur. La mise en scène est vive, inventive et pleine d'humour. Les comédiens sont nombreux, jeunes et talentueux. Deux musiciens les accompagnent et participent à la pièce. Souhaitons-lui une longue carrière, en espérant que nous pourrons aussi la voir jouer aussi en France.

Enfin, ce colloque était l'écrin d'un très bel événement qui marquera l’histoire de la ville de Günzburg et auquel nous sommes très heureux d'avoir pu participer.

Itzchak Belfer est un ancien pupille de Janusz Korczak, qui raconte dans ses mémoires comment Stefa et Korczak avaient encouragé très tôt sa vocation de peintre. Réfugié en Israël après avoir échappé de peu à l’extermination des nazis, il est devenu un peintre et un sculpteur reconnu. Si son œuvre fut longtemps marquée par les atrocités de la Shoah qu'il connût dans les camps, elle témoigne désormais de la force de la vie et de la grandeur de l’éducation dont il avait eu la chance de bénéficier.

Itzchak Belfer avait décidé d'offrir à la ville de Günzburg une sculpture représentant Janusz Korczak et les enfants. Pourquoi à Günzburg ? Certainement par estime et amitié pour l’action de Siegfried Steiger et de l’association Korczak allemande, mais si cette ville l’a si magnifiquement accueilli, c'est aussi, comme l’a rappelé son Maire, parce que ce nouveau monument l’aidera à tourner, sans l’oublier, une page honteuse de son histoire : le nom de la ville est en effet associé au nom du terrifiant Dr Menguele, le médecin nazi des expériences médicales scientifiques criminelles de la Shoah, qui y vivait.

L'inauguration du monument fut un grand moment, qui avait été préparé avec beaucoup de délicatesse. Nous avions été conviés auparavant à une heure de « méditation » consacrée à l’écoute dans la grande église baroque toute proche, dans des conditions idéales, de trois sublimes morceaux d'une seule et unique harpe (merci à Mme Laima Bach de Stuttgart) et des citations à plusieurs voix de Korczak, Maria Ward et Don Bosco par six jeunes filles du lycée. Citons parmi lesquelles Suzy Steiger, l’active fille aînée de notre hôte qui jouait aussi la veille dans la pièce de son père. Le spectacle se déroulait sous le regard des trois personnages historiques dont les photos géantes avaient été installées sur des cubes en cartons autour de l’autel, sous les ors rococos flamboyants catholiques…

Peu après, sous un soleil radieux, la cérémonie commença par un magnifique air de clairon joué aux fenêtres du premier étage du lycée voisin, dominant la scène. Le Maire de la ville, M. Gerhard Jauernig, nous avait déjà chaleureusement et longuement accueilli dans sa mairie la veille. Venu seul et à pied, son second discours fut tout aussi éloquent et émouvant. Nous ayant précédemment resitué l’événement dans l’histoire de la ville, il s'attacha ici à retracer la lente évolution des consciences qui permit à ses concitoyens de découvrir l’histoire de Korczak, principalement grâce à l’approche artistique et culturelle et à la persévérance de toute la famille Steiger depuis 1991. « Vous avez fait entrer Janusz Korczak dans notre ville et dans nos cœurs ».

Il y eut ensuite les discours du Consul polonais, M. Piotr Radosch, du représentant du président de la Région empêché, le Dr Paul Fisher et celui de notre hôte, le président Siegfried Steiger. Deux petites filles sont alors venues lancer un S.OS symbolique pour les oiseaux — fragiles témoins du temps qui passe, de la liberté et de la nature (toujours maltraités), auxquels les enfants sont très attachés, avant que l’artiste ne dévoile sa statue, sous les rythmes lancinants et triomphants d'un nouvel Ensemble musical composé de quatre Trompettes et Trombones.

Nous sommes très reconnaissants à l’association Korczak allemande[7] pour la qualité et l’organisation de son colloque, pour la grande place accordée à la culture, à la grâce et à la beauté des choix esthétiques et musicaux, pour avoir autant favorisé l’implication des enfants et des jeunes à toutes les étapes de l’événement, et pour l’accueil amical et chaleureux que tous ses animateurs, grands et petits, ont su réserver à tous les présents. Comme a pu le dire un participant : « Fröliche Pädagogik ? Ce qu'on ressent ici, c'est la pédagogie du cœur ».

Ajoutons que pour l’association Korczak française cette réunion fut l’occasion réussie d'une belle reprise de contact avec les responsables des associations Korczak allemande, autrichienne, suisse allemande[8] et quelques autres avec lesquels nous n'avions pas pu avoir d'échanges aussi directs depuis très longtemps. Comme prévu dans le programme, nous avons été invités à présenter à la tribune, dans les meilleures conditions, nos propres expériences récentes d'actions culturelles et pédagogiques[9]. Un grand merci aussi aux professeurs et aux amis qui ont été nos interprètes et plus particulièrement à Monika, professeur de français, et à Madame Gertrud Rieger, l’éminente directrice du lycée Maria Ward, co-organisatrice du colloque.

Nous tenons à adresser nos plus vifs remerciements à l’Association Korczak allemande pour l’organisation de cette mémorable réunion et en particulier à son dynamique nouveau président, Monsieur Siegfried Steiger, pour sa « pédagogie du cœur » et pour la chaleur de son accueil, ainsi que sa famille tout entière impliquée dans la réussite de cet événement.

AFJK- BL, Paris, 10 novembre 2003.

 

 

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Note bibliographique

 

 

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Notes

[1]Ne cherchez pas ces trois noms dans Le Petit Robert, Dictionnaire universel des noms propres, pourtant dirigé par l’éminent Alain Rey. Seul Korczak y figure, mais avec une présentation succincte de cinq lignes qui comporte une erreur. Pour combler ces lacunes, nous nous ferons un plaisir de vous présenter sans tarder Maria Ward et Don Bosco, le temps de rassembler notre documentation (et de la traduire).

[2]Allemagne, Autriche, Belgique, France, Israël, Pays-Bas, Suisse, Tchéquie, Pologne.

[3]Le lycée Maria-Ward est un lycée catholique privé qui accueille 450 élèves, uniquement des filles, jusqu'au bac. Il est jumelé avec le lycée Charles Péguy de Bobigny. L'enseignement des langues dans ces deux établissements est caractérisé par des échanges scolaires systématiques d'une durée de deux semaines en immersion complète. — Maria-Ward-Gymnasium, Frauenplatz 1, 89312 Günzburg, telefon 08221/32915, telefax 08221/32912.

[4]Revue interne de l’établissement : « Kultur Live », Heft 3, Das Begleitheft internationalen pädagogischen Tagung 2003, Fröliche Pâdagogik, redaktion 11B (nom de six élèves), 7.-9. November 2003, 32 p.

[5]En France, à notre connaissance, il n'existe pas encore d'établissements éducatifs, de soins ou d'enseignement pratiquant sciemment une pédagogie korczakienne. Citons toutefois deux situations particulières, toutes deux situées en région parisienne : celle d'un service éducatif ou travaille l’un de nos membres : Wieslaw Dabrowski, éducateur ; et celle du Lycée Janusz Korczak, sis rue Janusz Korczak à Limeil-Brévannes.
Wieslaw Dabrowski
a fait sa formation d'éducateur à Nasz Dom à Varsovie (le second établissement historique de Korczak). Il s'attache dans sa pratique à avoir une attitude korczakienne avec les enfants dont il a la charge et il parvient chaque année à monter avec le soutien de ses collègues et de sa direction des projets de voyage et d'échange avec les enfants d'établissements korczakiens de l’étranger (à Varsovie et Berlin). Notons qu'il lui est possible de recevoir des stagiaires en formation d'éducateur.
Le Lycée Janusz Korczak de Limeil-Brévannes est le premier en France à avoir pris le nom du grand éducateur, sur la proposition de son ancien directeur soutenu par le Maire de la ville. Cette décision venue « d'en haut » n'a pas facilité la découverte et l’identification de l’équipe pédagogique et des élèves à leur nouveau « héros ». Des complications administratives supplémentaires ont retardé la pose de la plaque à la rentrée 2002, et l’inauguration jusqu'à ce jour. Nous remercions vivement la nouvelle direction du lycée (et la municipalité pour les cars fournis), d'avoir permis aux élèves qui le souhaitaient de venir assister à la répétition générale du grand concert que nous avons donné le 3 octobre 2003 en hommage à Janusz Korczak, où ils ont pu pour la première fois entendre parler de celui dont le lycée porte le nom.

[6]Experimentelles Theater Günzburg, Siegfried Steiger, Imhofstrasse 1, 89312 Günsburg.

[7]Deutsche Korczak-Gesellschaft e.V. — Siegfried Steiger (Président), même adresse.

[8]Partageant la même langue, l’allemand, ces trois associations ont la particularité d'avoir choisi depuis plus de dix ans de publier ensemble une revue commune. Diffusée sous le titre « Korczak-Bulletin », au rythme d'un numéro par an, cette revue de 66 pages est du meilleur niveau sur le plan de la recherche et de l’analyse scientifique critique et elle n'a pas d'équivalent dans tout le mouvement Korczak international. Directeur de rédaction : Dr Michael Kirchner, Gaussen 2, 33428 Harsewinkel — Tél. (49) (0) 5247-5950 - Fax (49) (0) 5247-2205 — Prix : 2,60 € — ISSN 0943-5015.

[9]Notre activité est en effet marquée depuis deux ans par le développement de nos actions culturelles et pédagogiques, que ce soit autour de notre exposition Korczak à Antony puis à Bruxelles, avec le Théâtre du Rideau pour ses deux pièces sur Korczak jouées en février et reprises du 13 novembre au 13 décembre 2003, à l’Université Paris 8 en juin, ou encore avec le chef d'orchestre franco-allemand Christoph Denoix, le 3 octobre dernier.

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Page créée le 11 novembre 2003